Saint Théodose du Caucase fut déjà considéré comme un saint par ses contemporains. A chacun son destin. Théodose (dans le monde, Théodore [Fiodor]) naquit pour devenir moine… et saint.
Saint Païssios l’Athonite nous dit que «Le moine est un phare lointain planté au sommet de la falaise et par sa lumière, il éclaire mers et océans afin que les navires conservent le bon cap et atteignent Dieu, leur destination».
Le texte ci-dessous consacré à ce grand saint de nos temps modernes est traduit à partir d’un site dédié à Saint Théodose, ainsi qu’à d’autres saints du Caucase, complété par des extraits du livre «Преподобный Феодосия Кавказский. Житие, чудеса, акафисты», publié en 2003 par les Éditions AKSIOS à Moscou.
Théodose du Caucase fut un tel phare dans les ténèbres de l’incrédulité, non seulement pour ceux qui étaient proches de son cœur, les habitants de Mineralnye Vody [Eaux Minérales], mais aussi pour ceux qui venaient de loin pour le voir. Après sa mort et après qu’il fût reconnu comme membre du chœur des saints, sa renommée dépassa la limite des frontières de notre pays. Et ils venaient de loin pour voir le ‘Grand-père tout maigre à la barbe blanche’, comme on l’appelait souvent, et planter leur âme pour toujours auprès de lui. Aucun d’entre eux ne repartit ‘les mains vides’. Le starets savait voir au plus profond de l’âme de chacun. Il vécut plus d’un siècle sur cette terre et Dieu seul sait combien sont ceux qu’il aida, qu’il sauva, qu’il consola. Il confessait et donnait la Communion à ses enfants spirituels, car sans la foi et le repentir, il n’y a pas de salut.
Et aujourd’hui encore, Saint Théodose du Caucase ne renvoie pas les mains vides ceux et celles qui se tournent vers lui et demandent son aide, car c’est par des miracles que Dieu glorifie ses élus. Dans l’église du Pokrov à Mineralnye Vody reposent les reliques du starets, et sa tombe, au cimetière, en est éloignée de trois kilomètres… Et le flux des pèlerins ne tarit pas.
Le futur saint naquit dans une famille de paysans pauvres, dans le Gouvernorat de Perm, un 16 mai selon le nouveau calendrier, en l’an 1800, d’autres disent en 1841. Les parents, Fiodor et Ekaterina Kachine, appelèrent leur fils Fiodor. La tradition dit que la sage-femme prédit au nouveau-né un destin de prêtre d’importance, le voyant coiffé du klobouk monastique. Et effectivement, dès son enfance, Fiodia aima la prière. Tout jeune encore, il s’enfonçait dans la solitude au cœur de la forêt, et, agenouillé sur une grande pierre, il priait Dieu. Il entendit une voix lui dire «La pierre sur laquelle tu pries s’appelle Paradis». Un autre événement indique que l’enfant était élu par Dieu. Un jour, du coin d’icônes s’envola une colombe qui vint se poser sur sa main. Après, elle s’éleva, décrivit un cercle autour de lui et alla se placer derrière les icônes.
La tradition rapporte également que Fiodia quitta la maison paternelle alors qu’il était encore tout jeune, et il accompagna des pèlerins jusque la Sainte Montagne. A l’entrée du monastère de la Déposition de la Ceinture de la Mère de Dieu, il demanda «Prenez-moi avec vous, je prierai le Bon Dieu et je ferai tout ce que vous me direz». L’higoumène lui-même veilla sur l’enfant, qui fut admis dans la communauté. Son chemin fut sinueux. A quatorze ans, l’adolescent guérit l’épouse d’un général, possédée du démon. Quand on lui demanda qui il avait prié, il répondit : «La Petite Mère de Dieu dorée». Mais l’higoumène le renvoya au pays pour qu’il remplisse ses obligations militaires. Toutefois, Fiodor fut déclaré inapte au service et il s’en retourna au monastère.
En 1859, le jeune novice reçut la tonsure monastique et le nom de Théodose. Il servit durant cinq ans à Constantinople, au ‘podvorié’ athonite nommé «L’Hôtellerie russe de la Déposition de la Ceinture de la Mère de Dieu». Après cela, la tradition indique que le saint moine servit à Jérusalem et s’en revint à la Sainte Montagne en 1879.En 1901, après la mort de l’higoumène Joanice, Théodose fut choisi pour diriger la communauté, mais le poids des obligations matérielles de sa charge l’incita à renoncer et il retourna à Jérusalem et y reçut le grand schème. Ensuite le starets revint en Russie, accompagné par sa fille spirituelle, la moniale Tatiana, et emmenant de précieux trésors sacrés. Le Père Théodose s’installa à 27 kilomètres de la stanitsa de Krimsk, là où se trouve aujourd’hui le village de Gornyi. Il bâtit une petite église, et des cellules, travailla la terre, élevant quelques chèvres et des abeilles, et fit sourdre de l’eau des entrailles de la terre là où régnait auparavant la sécheresse. Le petit ermitage attira des aspirants à la vie monastique, parmi lesquels de nombreux enfants, et en particulier, Liouba et deux Anne. Les parents de l’une des deux Anne refusaient que leur fille demeure auprès du starets. Le Père Théodose donna un œuf à la maman en lui disant: «Tu auras un petit coq, et il chantera comme lorsque Pierre renia le Seigneur». De cet œuf sortit un petit coq batailleur, et Anne épousa une nommé Pierre, ivrogne et bagarreur, dont elle enfanta deux estropiés.
Le starets était clairvoyant; il avait ainsi prévu son arrestation : «Vous romprez le jeune, mais je ne serai plus avec vous. Vous irez vivre à Mineralnye Vody». En 1927, lors de la Théophanie, de nombreux petits poissons apparurent dans l’eau. Le starets annonça qu’il n’en resterait que quatre. Et à la suite de son arrestation seulement quatre novices restèrent à l’ermitage.
Le Père Théodose lava les pieds et nourrit ceux qui étaient venus l’arrêter, un jour de mars 1927, deux semaines avant Pâques. Il fut emmené à Novorossiisk et mis en prison. Bientôt Liouba y fut envoyée aussi. Les autres novices, dont Tavifa et Natalia déménagèrent à ‘Minvody’ où elles acquirent une petite maison. C’est là que le starets Théodose les retrouva lorsqu’il sortit de prison, en 1932. Et c’est là qu’il demeura jusqu’à la fin de ses jours, recevant tous ceux qui venaient à lui. Il donnait la Communion, confessait, conseillait, et à certains, il conférait la tonsure monastique. Les visiteurs amenaient des présents, mais le saint homme ne les acceptait pas toujours : «Est-ce vers Dieu que tu es venu?» leur demandait-il.
Un jour il sauva du suicide un homme qui venait d’être abandonné par sa femme. Et celle-ci revint à lui. Il guérit la main de Vassa, l’épouse d’un Commandant de Rostov, dont les doigts avaient été coupés. Un jour il fit manger à Anatonina Pophyrievna Dontchenko (qui devint la moniale du grand schème Angelina) et à sa fille un plat de pilaf inhabituel. «C’était incroyable, on en prenait, on en mangeait, on en reprenait, et la quantité de nourriture ne diminuait pas», se rappelait-elle. Un jour qu’elle rendait visite à Saint Théodose, Antonina ne parvenait pas à se concentrer sur les paroles du starets. Celui-ci prit alors sa croix et commença à bénir les quatre coins de la pièce. Le démon fut expulsé, et immédiatement elle saisit le sens des mots du Père Théodose ; la beauté des jardins célestes, les rivières de lait et de miel qui y courent, les fruits de taille énorme, les fleurs si odorantes dont la tête ondule sans la moindre brise et les anges qui volent tout contre les fleurs. Saint Théodose guérit de la tuberculose Julia, la sœur d’Antonina, et il lui prédit une vie maritale empreinte d’amertume. Il voulait donner la tonsure monastique à Paraskevi, leur mère, mais elle ne parvint pas jusqu’à lui, et mourut en chemin, gelée dans la forêt. Nombreux furent ceux et celles que le Saint tonsura en secret. Il tonsura Grégoire, Chef du Bureau du Recrutement Militaire de Minvody, et toute sa famille, ayant au préalable célébré le mariage des époux et le baptême de leur fille Zoé. Ils vécurent ensuite paisiblement, observant en famille la règle de la vie monastique cénobitique. Le père, devenu le moine Mikhaïl, fut une réelle incarnation des vertus chrétiennes. Saint Théodose tonsura Fiodia, un jeune homme de seize ans, qui allait devenir l’Évêque Lazare, et lui dit : «Et voilà, Fiodia, je t’attache des ailes». La moniale Mariamna reçut elle aussi la tonsure des mains de Saint Théodose. Le Seigneur lui donna le don de la connaissance du Slavon. Le starets convainquit Vera Athanasievna Mozi, qui était malade, de recevoir la tonsure monastique et le nom de la Mégalomartyre Barbara, et il lui répéta souvent que lorsqu’il mourrait, il lui confierait son troupeau. Elle mourut en 1961 et fut enterrée non loin de la tombe du Saint.
Durant la guerre, Saint Théodose sauva des enfants ; il s’agit d’événements connus. Un jour il accourut au jardin d’enfants et attirant les enfants à lui par ses facéties, ils les emmena soudain de force. Quelques instants plus tard, une bombe pulvérisait la petite école. Une autre fois, un train stationnait sur les voies. Le saint homme se mit à le pousser en priant «Seigneur bénis!». Une patrouille s’approcha. Les soldats demandèrent : «Mais que fais-tu grand-père?» «Ce que le Bon Dieu qui m’a ordonné!» Le Père Théodose s’en alla, et quelques instants après, une bombe tomba sur les voies là où se trouvait auparavant le train. Celui-ci transportait des obus. Si la bombe était tombée dessus, la ville entière aurait été transformée en un champ de ruines. Le starets prédit également à Antonina Porphyrievna l’approche de la grande famine. Et à ceux dont certains des membres de leur famille étaient partis à la guerre, il leur disait s’ils étaient encore vivants ou non.
Il adopta le comportement des fols-en-Christ au cours des seize dernières années de sa vie qui suivirent sa sortie de prison; il se mit à parler de lui-même à la troisième personne, se nommant ‘mon tonton’. «Quand mes petits enfants tiennent bien sur leurs jambes, mon petit tonton se repose. Mais quand mes petits tombent, mon tonton prie pour eux jour et nuit». Il déambulait dans les rues, vêtu de chemises bariolées, et jouait avec les enfants, qui l’appelaient ‘grand-père Kouziouk’.
Alexandra, une disciple du starets se rappelait qu’il disait de ne pas l’appeler ‘batiouchka’, ‘petit-père’, car il n’était qu’un grand-père. Il dit un jour à Maria, une autre de ses disciples : «A ton avis, quel âge ai-je?» «Dieu seul le sait, moi, je n’en sait rien», répondit-elle. «Tu dis vrai, car sans mentir, et Dieu peut en témoigner, j’ai cent quatre ans». A la gare du Caucase, il donna les Saints Mystères du Christ au Père Evguenii, moine athonite.
Au cours de l’hiver de sa dernière année de vie, Saint Théodose tomba et se blessa sérieusement. On le ramena à la maison sur un traîneau. Le Saint homme annonça sa fin prochaine. Et trois jours avant celle-ci, il dit : «Dans trois jours, c’est la fin du monde. Quand le fermier partira, tous les animaux vont pleurer, les vaches, les poules,…». Et il en alla réellement ainsi, les vaches meuglèrent, les poulets gloussèrent, les chats miaulèrent pitoyablement. Peu avant sa mort, une femme vit un nuage. Dans celui-ci, le Seigneur portait l’âme du saint Homme. «Je devrais déjà être mort depuis longtemps, mais j’ai demandé au Bon Dieu de me laisser vivre encore un peu», avouait le starets.
Il mourut à l’été 1948. On l’enterra sans musique, car on savait que le ‘grand-père’ n’aimait pas cela. De sa tombe irradiait une lumière telle qu’il était quasiment impossible de prendre des photos. Quand il s’est agi de transporter le cercueil jusqu’au cimetière situé aux confins de la ville, quatre jeunes gens se présentèrent. Ils étaient beaux et portaient de longs cheveux jusqu’aux épaules et portaient chacun une chemise blanche à longs pans, des pantalons noirs et des sabots légers. Ils portèrent le cercueil, sans changement, sans être relayés, jusqu’au cimetière. Quand on convia les participants au repas commémoratif, les quatre jeunes gens avaient disparu.
Saint Théodose disait à ses enfants spirituels «Tous ceux qui feront appel à moi, je serai à leurs côtés, pour toujours».
Traduit du russe
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