Le Métropolite Athanasios de Limassol partage avec nous, dans son livre «Le Cœur Ouvert de l’Église», publié en 2016 par les Éditions du Monastère de la Sainte Rencontre à Moscou, l’immense trésor de l’expérience spirituelle qu’il a accumulée au cours des six décennies de sa vie, dans sa prière, au contact de ses frères et sœurs en Christ, et surtout au contact des saints de notre Église qu’il a eu la grâce de rencontrer. Le texte précédent se rapportait à Saint Arsène de Cappadoce, le texte ci-dessous évoque Saint Païssios l’Athonite, et est traduit des pages 72 à 88 du livre précité.
Avant tout, je souhaite préciser que, dans la mesure où jamais je n’ai imaginé que viendrait le jour où je décrirais la vie de Geronda Païssios, et compte tenu de ce que lui-même n’a jamais raconté sa vie de façon chronologique, il est possible que les dates citées et l’explication de certains événements souffrent de lacunes. Et c’est d’autant plus difficile que Geronda était un véritable saint homme et que nous ne parvenons pas à nous représenter ce que cela signifie et nous ne le comprenons que très peu. Nous prions Dieu de nous aider à rapporter les événements tels que nous les avons vus afin que ceux qui nous entendent puissent les évaluer à leur tour, à la mesure de leur compréhension.
En septembre 1976, je fis la connaissance de Geronda Païssios. C’était la première fois que j’allais au Mont Athos, et, avec mes condisciples, nous sommes allés rendre visite à Geronda dans sa kaliva de la Sainte Croix, à côté du Monastère de Stavronikita. C’est là que je fis sa connaissance. Je dois ajouter que nous étions partis pour rencontrer Geronda, mus par la curiosité, suite à ce que nous avions pu entendre à son propos.
Il nous reçut avec beaucoup d’amour, mais je dois avouer que cette première rencontre me déçut quelque peu. Je ne connaissais pas les secrets de ces hommes spirituels. Lorsque je vis Geronda nous accueillir avec une telle simplicité, nous offrant de la nourriture en blaguant et en riant, je commençai à douter que cet homme fût aussi saint qu’on le prétendait. Les saints, pensais-je, devaient être silencieux et moroses. C’est ce que j’imaginais. Toutefois, la réalité balaya ces fruits de l’imagination.
Le premier événement dont je puis témoigner avec certitude survint lorsque nous sortîmes. Nous embrassâmes sa main, pour prendre congé, et à ce moment il se passa une chose qui était vraiment une intervention divine ; un parfum indescriptible satura toute la colline, tout l’air ambiant en était imprégné. Tout l’endroit était parfumé. Geronda s’en rendit compte, il nous contraignit à partir et lui-même rentra dans sa cellule. Nous ne comprenions pas ce qui se passait. (Nous étions trois). Nous nous mîmes en route pour Karyès, et chacun de nous était rempli d’une joie intérieure indescriptible, que nous ne pouvions expliquer. Nous ne comprenions pas pourquoi nous courions, pourquoi la montagne était parfumée, ainsi que l’air, les pierres, tout l’environnement. Ce fut la dimension extraordinaire dont je fis l’expérience lors de ma première rencontre avec Saint Païssios.
Il vécut sa jeunesse à Konitsa. Il nous raconta que lorsqu’il était âgé de quinze ans, il avait coutume de se retirer dans la forêt, où il s’était construit une cabane en branchage en guise d’ermitage, et il y priait avec larmes. Sans aucun doute, il s’agissait d’un effet de la grâce. Il expérimentait une grande douceur et voulait rester dans la solitude à prier le Christ. Un jour, alors qu’il était en prière, il vit le Christ devant lui, non pas en songe, mais en réalité, tenant un Évangéliaire en Ses mains. Et soudain, il lui dit ce qui est écrit dans l’Évangile : «Arsène, Je suis la Résurrection et la Vie ; celui qui croit en Moi, s’il meurt, il vivra». Cette expérience de la manifestation du Christ fut, pour autant que je sache, la première d’une série de révélations divines et vraisemblablement un élément décisif de son chemin vers le monachisme.
Geronda s’efforçait de fuir tout le battage que l’on faisait autour de son nom. Et je puis vous dire que, jusqu’à ce qu’il devienne fort, fort à faire trembler n’importe qui, tous ces récits et toutes ces histoires à propos des miracles le touchaient.
Quand en 1976, j’arrivai pour le voir, je lui dis : «Geronda, dans le monde, grande est votre gloire, les gens ont une opinion favorable à propos de vous et de votre nom ». Et il me répondit ceci, en riant, comme d’habitude à la fois joyeux et sage : «Aujourd’hui, en montant ici, tu es passé à côté de la décharge?» «Oui» «Sur cette décharge on voit beaucoup de boîtes de conserve de calmars, et au coucher du soleil, elles brillent. La même chose se produit avec les gens. Ils voient le soleil qui brille sur la boîte de conserve que je suis, et ils la prennent pour de l’or. Mais quand on s’approche, mon enfant, on réalise qu’il ne s’agit que d’une boîte de conserve de calmars». Il a dit cela en blaguant, mais plus tard, alors que nous parlions sérieusement, il m’a dit tristement «Pour moi, mon père, mon plus grand ennemi, c’est mon nom. Malheur à l’homme et au moine qui ont ‘acquis un nom’, car alors, il n’est plus jamais tranquille, et les gens commencent à imaginer des choses, qui bien souvent ne correspondent pas à la réalité, et il devient alors le sujet de controverses». Les gens faisaient la file pour lui rendre visite dans sa kelia. Dès que l’autobus avait fait arrêt à Karyès et que l’autorisation de séjour était en poche, c’était ‘vite, chez le Père Païssios!’. C’était l’objectif numéro un, le premier arrêt. Parfois, je fus surpris, étant avec lui dans sa cellule et voyant qu’il n’ouvrait pas la porte. Et il me disait «Viens, nous allons prier, et si le Seigneur nous avertit, nous ouvrirons».
C’était quelqu’un pour qui la prière était l’activité principale. Et ensuite, le service à autrui. Nonobstant toutes ses afflictions et toutes ses souffrances, c’était comme s’il était un homme sans corps. Un homme qui ne savait ce que veut dire dormir ou se reposer. Il était toujours bien disposé, dans son cœur il avait toujours l’amour lui permettant de prendre la douleur des autres. Je me souviens qu’en 1981 je suis allé lui rendre visite lors de la fête de la Nativité du Seigneur. Après la fin des offices qui avaient duré toute la nuit, nous conversâmes et il m’expliqua la grandeur de la manifestation de l’amour de Dieu. L’amour de Dieu, disait-il, vit en l’homme comme un feu. Et il me raconta ceci : «Voici quelques années, cet amour brûla si fortement en moi que mes os fondaient comme des cierges de cire, et soudain une telle grâce vint sur moi que lorsqu’elle arriva, je tombai à genoux et devins incapable de bouger. J’avais peur que quelqu’un me voie et ne comprenne pas ce qu’il m’arrivait». Au bout de huit années, cet immense amour se transforma, sans quitter Geronda, évidemment en une grande douleur pour le monde. Il est clair que depuis lors, Geronda s’est fait ‘demeure de Dieu’ et s’est consacré aux souffrances d’autrui.
Toutes sortes de gens venaient au Père Païssios, des gens de toutes les couches sociales, des gens d’une haute éducation, et des gens sans aucune formation, des évêques, des enseignants et même des gens d’autres confessions ; vraiment toutes sortes de gens. Il vivait, d’habitude, dans des lieux inimaginables. Je me souviens que la kelia de la Sainte Croix était tellement éloignée de tout qu’on n’y voyait aucune autre demeure de moine aux alentours. Le désert. Je me rappelle ce que m’a dit Geronda : «Si tu entends du bruit la nuit, n’aie pas peur, ce sont des sangliers ou des chacals».
On sait que toute la vie de Geronda s’écoula dans les douleurs. Je me souviens d’une fois qu’il était assailli par de très forts maux de tête, il se banda le front pour tenter d’atténuer la douleur. Parfois quand nous souffrions, il disait «Mon père, écoute bien ce que je te dis, mes douleurs mon apporté bien plus d’avantages que ma bonne santé». Et en dépit de ses souffrances, jamais il ne négligea ses obédiences. On est vraiment étourdi de constater qu’il allait jusqu’à poursuivre son exploit ascétique jusqu’à l’épuisement intégral. Je me rappelle qu’au monastère les offices de la Nativité s’étaient déroulés toute la nuit, ils avaient duré une dizaine d’heures. Et Geronda passa la journée à recevoir des gens, sans prendre le moindre repos. Il était resté debout toute la nuit. Je me tenais à ses côtés et j’attendais qu’il s’asseye pour m’asseoir également. Mais il ne le fit pas une seule fois de toute la nuit. A un certain moment il me dit «Tu ne pourrais pas sortir un peu? Tu fais partie de la police?» Il avait compris que je restais debout à côté de lui pour voir ce qu’il allait faire.
Son amour se répandait généreusement et sans limite sur chacun de ceux qui venaient le voir, particulièrement sur les affligés et sur les jeunes. J’ai été particulièrement impressionné par un cas. En 1982, un jeune Athénien vint à la Sainte Montagne, un jeune homme très agité, complètement désorienté par différentes difficultés, désespéré par sa vie et par son entourage. Il portait de sales habits, son aspect tout entier témoignait de son déséquilibre et de son agitation intérieure. Je le conduisis auprès de Geronda Païssios. Ils s’entretinrent et ensuite, le jeune homme partit. Deux ou trois mois plus tard, il revint, et il me raconta ce qui suit, en pleurant. A Athènes, alors qu’il était confronté à un nouvel échec et que l’abattement et la tristesse le submergeaient, il enfourcha sa mobylette, décidé à attenter à ses jours. Il roula à grande vitesse, se disant «Je n’ai personne au monde, personne ne m’aime ni ne s’intéresse à moi, mieux vaut mettre fin à ma vie. Il sortit d’Athènes, continuant à rouler et à penser au suicide. Soudain, sa mobylette s’arrêta sans aucune raison compréhensible. Et instantanément, il vit devant lui Saint Païssios, qui lui dit : «Arrête, ne fais pas cela!» A l’instant où il vit le visage de Geronda, il se souvint que c’était le seul être humain qui lui avait dit qu’il l’aimait. Le Père Païssios était un homme chaud et ouvert. Quand des jeunes gens venaient à lui avec leurs problèmes, il leur manifestait autant d’amour qu’à des tout-petits. Et ces jeunes recevaient de la sorte la consolation. Après que ce jeune m’eût conté son histoire, il m’arriva de me retrouver près de Geronda, et je lui demandai : «Et finalement, cette histoire s’est bien terminée?». Et il me répondit «Je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que souvent quand je prie, seul dans ma cellule, l’Esprit Saint me transporte dans les hôpitaux, chez des gens qui souffrent, chez certains qui sont prêts à se suicider. Mais je ne fais rien que prier et faire brûler des cierges».
Dans sa cellule, des cierges brûlaient en permanence devant les icônes. C’était une pauvre cellule d’ascète, sans aucun effet personnel, juste des icônes au mur, avec des cierges brûlant devant elles. Un jour, il était malade, allongé dans sa cellule de la Sainte Croix, et je m’occupais de lui. Je devais régulièrement entrer dans sa cellule, qui était très petite, 2m sur 2,5m. Geronda chauffait constamment son poêle russe en briques car il souffrait du froid. Son lit se trouvait dans un coin, un lit de bois, comme un cercueil, au-dessus duquel étaient suspendues de très nombreuses icônes, et tout en haut, un grand schème monastique russe. Dans un autre coin, quelques guenilles étaient disposées sur le sol, comme une sorte de tapis. Il me taquina en disant. C’est un tapis persan ; on me l’a ramené de Bagdad. C’était une vieille loque qu’on posait sur le dos des mules avant d’y charger la selle. Il avait un petit banc sur lequel il s’asseyait et priait, une planche qu’il posait sur ses genoux pour écrire, et dans une niche du mur, quelques feuilles de papier et deux ou trois crayons. Saint Païssios était d’une pauvreté absolue. Il ne possédait rien. Beaucoup de gens lui laissaient de l’argent, le cachant pour qu’il ne le trouve que plus tard. Quand Geronda le trouvait, il le glissait dans des livres ou des magazines, qu’il distribuait. Il était tellement pauvre que je me souviens du jour où il m’a dit ne pas même posséder cinq cents drachmes pour acheter du pain. Il ne possédait pas de réchaud au gaz ni aucun ustensile de cuisine. Il utilisait une ou deux anciennes boîtes de conserves pour chauffer du thé ou faire cuire du riz, et il avait une petite casserole dont il se servait pour ses hôtes. Alors, il y versait une cuillère de lentilles, pour faire un déjeuner de fête, comme il disait. Parfois, il faisait une tomate ou des légumes verts de son petit potager. Quand je vivais avec lui, il me disait tous les deux jours : «Va manger dans l’un ou l’autre monastère, et après, reviens!». Dans sa kelia, il avait juste du thé et du sucre, rien d’autre. On peut dire qu’il mangeait en deux semaines ce que nous consommons en un repas. C’était en vérité un incorporel, un ange sur terre et un homme céleste. Non seulement il ne mangeait pratiquement rien, mais en outre, il ne dormait quasiment pas du tout…
En tant que moine, il observait scrupuleusement le cycle des offices quotidiens ; vêpres, vigiles, orthros, heures. Plus tard, il remplaça une partie de ces offices par la prière sur le komboskini. Chaque nuit, il veillait. Il se reposait un peu au crépuscule et un peu après l’aube. Tout cela, je le vis quand je vécus là avec lui.
Je vais maintenant raconter une chose qui m’est personnellement arrivée, et qui témoigne de la sainteté de Geronda Païssios. C’est en 1977 que je vins vivre, assez longtemps, avec lui. C’était l’époque de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, le 13 septembre de l’ancien calendrier, et il me dit : «Nous allons célébrer les vigiles de toute la nuit, et au matin, un prêtre viendra servir la Liturgie. J’étais alors diacre. Je restais avec lui et il me dit qu’à quatre heures, l’après-midi, nous servirions les vêpres en priant avec le komboskini, ce que nous fîmes pendant presque deux heures. Vers six heures, il m’appela et me prépara du thé et me montra comment accomplir l’office des vigiles en priant avec le komboskini et me dit qu’environ une heure et demi après le milieu de la nuit, il me préviendrait, afin que nous lisions l’Office de la Sainte Communion. Lorsque le prêtre nous aurait rejoins, nous continuerions avec l’orthros. Je commençai à faire tout ce qu’il m’avait dit.
Toute la nuit, j’écoutais comment Geronda priait, allait et venait, soupirait. Ce fut une expérience extraordinaire car, je n’étais pas à l’aise au milieu de ce désert, et Geronda était comme un pilier inébranlable et priait juste à côté.
Nous entrâmes dans l’église. Cette minuscule église était étroite et longue. L’iconostase comportait cinq icônes. Il y avait une stacidia. Geronda m’y plaça, lui-même restant debout à côté. Et nous commençâmes la lecture de l’Office de la Sainte Communion. Geronda chanta le verset d’introduction «Gloire à Toi, notre Dieu, gloire à Toi», et après les tropaires à la Mère de Dieu, «Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous». Chaque fois qu’il chantait le verset d’introduction, il faisait une grande métanie. Et moi, je restais debout, à chanter les tropaires, un cierge à la main. Lorsque nous arrivâmes au tropaire dans lequel on dit «O Marie, Mère de Dieu, Tabernacle vénérable tout embaumé de parfums… » (N.d.T. Fin de la cinquième ode du canon) Geronda prononça d’une voix imprégnée d’une profonde douleur «Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous». Je m’apprêtais à continuer «O Marie… », mais soudain, tout changea, et je ne pouvais pas comprendre ce qui se produisait. Toute la kelia fut illuminée, dans l’église, une légère brise fit irruption et la mèche de la lampe de l’icône de la Mère de Dieu se mit à trembloter. Cinq lampes brûlaient devant les icônes de l’iconostase, mais seule celle qui pendait devant l’icône de la Mère de Dieu s’agitait continuellement. Je me tournai vers Geronda, et voyant mon mouvement, il me fit signe de demeurer silencieux. Lui-même se prosterna jusque sur le sol et resta dans cette position. Et moi, j’étais debout, tenant le cierge en main, alors qu’il était devenu inutile car tout était illuminé par cette lumière aveuglante comme si le soleil avait brusquement fait son apparition. J’attendis ainsi assez longtemps. La lampe vacillait devant l’icône, la lumière ruisselait et Geronda ne disait rien. Après environ une demi-heure, je recommençais à lire seul car Geronda ne parlait toujours pas. Je lus donc l’office seul. Lorsque j’arrivai à la septième prière, celle de Saint Siméon le Nouveau Théologien, la mèche de la lampe cessa de s’agiter, la lumière se dissipa et je dus approcher de nouveau le cierge pour lire. Lorsque l’office fut terminé, je demandai : «Geronda, qu’est-ce que c’était?». Il répondit «Quoi donc?». «Mais ce qui s’est passé dans l’église, j’ai vu comme la mèche de la lampe à huile s’agitait, devant l’icône de la Mère de Dieu et comment toute la kelia fut illuminée». Et il me demanda «Et tu n’as rien vu d’autre?». Je lui répondis qu’en effet, je n’avais rien vu d’autre. Il n’est pas nécessaire que je souligne qu’à ce moment-là, ma tête ne fonctionnait plus du tout et j’étais incapable de penser, incapable de comprendre quoi que ce soit. Je regardais tout cela, tel un spectateur. Geronda me dit alors : «Ah, mon enfant! Qu’était-ce donc? Tu sais pourtant que la Toute Sainte Mère de Dieu est ici, sur la Sainte Montagne. Elle fait le tour de tous les monastères, de toutes les kelias pour voir ce que nous faisons. La Panagia est venue ici, elle a vu deux fous et elle a secoué sa lampe pour signifier sa venue». Et Geronda Païssios se mit à sourire. Après l’événement de cette nuit, il me raconta, l’air ému, de nombreuses pages de sa vie, et c’est pourquoi, sans doute, naquit alors, un lien intime nous unissant lui et moi. Il me confia beaucoup de secrets précieux qui le touchaient beaucoup.
J’affirme avec conviction que Saint Païssios soutenait le monde entier par sa prière. Cet homme a une importance égale à celle des grands pères de notre église.
Il est possible de parler des heures et des jours à propos de Geronda Païssios. Les miracles opérés par sa prière sont innombrables. Voici quelque chose qui s’est déroulé il y a quelques temps. Un papa ayant un jeune fils parcourut toute la Sainte Montagne, à la recherche du moine qui avait sauvé son petit enfant de la mort. Un soir, le petit circulait à vélo, et dans un virage, il glissa sous un camion. Il aurait dû tomber directement sous la roue, mais à la dernière fraction de seconde survint un moine qui le tira par le bras sur le trottoir, et le petit fut sauvé. Il avait vu le moine, mais il ne savait pas qui il était. Il raconta son histoire à son père, et celui-ci accourut à la Sainte Montagne. Il fit le tour de tous les monastères, skites et kelias, expliquant à quoi ressemblait le moine. Finalement, ils arrivèrent près de Geronda Païssios et l’enfant le reconnut.
Le cas suivant se produisit alors que j’étais reparti à Chypre. Un jeune homme vint auprès de Geronda, voulant lui expliquer que son épouse était gravement malade. Il y avait foule chez Geronda Païssios et il était épuisé. Il dit aux hommes présents : «Mes chers amis, je n’en peux plus. S’il vous plaît, allez au Monastère d’Iviron». Le jeune homme s’avança et dit : Je voudrais te dire quelque chose». Geronda lui répondit «S’il te plaît, va, va». «Geronda, je dois te dire quelque chose d’important !». Geronda dit alors «Va mon cher, va, il n’y a rien. Dieu aidera». Il insista, mais Geronda lui dit «S’il te plaît mon cher, vas-y pour essayer d’arriver avant qu’ils ne ferment le monastère». Le jeune lui répondit «Geronda, mon épouse est fort malade». Geronda répondit «Va, ton épouse n’a rien!». Le jeune homme regarde sa montre pour voir combien de temps il lui restait pour rejoindre le monastère. Il était quatorze heures quarante cinq. Il s’en alla, déçu de n’avoir rien pu faire. Plus tard, quand il rentra à la maison, son épouse était en parfaite santé et elle lui raconta ceci : «Soudain, alors que je m’étais assise sur le lit, je fus transpercée par une sueur froide, et à partir de ce moment, j’ai commencé à aller mieux. Je suis allée consulter le médecin, et il m’a dit que j’étais tout à fait guérie». Le mari demanda alors à quelle heure cet événement était survenu. «Jeudi, à quatorze heures quarante cinq», répondit la jeune épouse. C’était à ce moment que Geronda lui avait dit «Va, ton épouse n’a rien!».
Il est possible de rapporter une infinité de cas semblables. Toutefois, ce qui est le plus significatif, ce ne sont pas les miracles, mais le grand amour de Geronda pour Dieu, sa foi profonde, et le fait qu’il fut un vrai enfant de l’Église orthodoxe et de son monachisme. Je pense qu’il est impossible de véritablement parler de Geronda, de le décrire. Voici les paroles qu’il répétait souvent : «Aimez Dieu et mettez-vous à l’œuvre selon votre conscience». Il disait que le Christ est oxygène ; nous ne devons pas Le transformer en gaz carbonique. C’est pourquoi il voulait que tous les Chrétiens aient tous et toujours beaucoup de courage, afin d’être remplis de la joie de l’amour de Dieu, afin de ne jamais désespérer car, disait-il, l’inquiétude et le désespoir viennent du diable, jamais de Dieu.
Traduit du russe.