Le Saint Monastère stavropégique de la «Panagia Palianis» est situé dans l’environnement pittoresque de la municipalité de Paliani, (à une vingtaine de kilomètres au Sud d’Heraklion, sur la route de Mires) au sommet d’une colline d’une altitude de 280 m. Il ne s’agit pas d’une communauté cénobitique, mais idiorythmique ; les moniales qui y vivent doivent vivre de leur travail. Elles brodent des pièces d’étoffe et des couvertures et proposent une exposition permanente de leurs travaux de tricot et de broderie. L’église comporte trois nefs et constitue un vestige du plus ancien monastère de Crète, érigé au cours de la première période byzantine.
Quelques éléments d’Architecture du Monastère.
La fête de la dédicace du monastère est célébrée le 15 août, jour de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. La nef centrale de la basilique est dédiée précisément à la Dormition de la Theotokos. La nef Sud est dédiée aux trois Saints Hiérarques et la nef Nord à Saint Panteleimon. A cette dernière est accolée la chapelle des Saints Apôtres. La nef centrale est la plus grande ; une voûte cylindrique la surmonte, tandis que les nefs latérales, plus petites, sont surmontées de voûtes en quart de cercle. Les nefs sont séparées par des colonnes de marbres aux chapiteaux byzantins ornés de feuilles d’acanthe. Deux des chapiteaux sont en marbre byzantin. Un troisième chapiteau de l’époque a été conservé et se trouve dans la cour. Le linteau de l’entrée du narthex est lui aussi en marbre ancien, et il est sculpté d’un relief représentant l’Annonciation à la Mère de Dieu. D’autres éléments en marbre ancien sont intégrés dans diverses parties de l’édifice et on peut observer des dalles de ce marbre dans la cour. En outre, quatre de ces chapiteaux forment la base de la Sainte Table. Portant un monogramme cruciforme, l’un d’eux remonte à la première période byzantine de l’île. Les cellules des moniales ont été construites à l’aide de toutes sortes d’éléments architecturaux anciens, frises, corniches, colonnes, etc… L’église s’élève au centre du monastère et tout autour ont été construits les locaux communs et les cellules monastiques. L’entrée du monastère se trouve dans la partie occidentale du complexe d’édifices. L’ancienne entrée en pierres fut démolie vers 1970 et remplacée par une nouvelle, en béton. Un monastère de moniales doit être un endroit sûr et isolé. Le personnel non religieux et les visiteurs demeuraient dans la zone située avant l’entrée de sorte que lorsque celle-ci était fermée, elle assurait un lieu de séjour isolé aux moniales. Les interventions opérées au cours des dernières années ont fortement altéré l’aspect du complexe d’édifices. Les cellules des moniales ne doivent toutefois guère différer des maisons crétoises typiques du siècle dernier, sauf en ce qu’elles doivent être adaptées aux exigences de base de la vie monacale.
Quelques éléments d’histoire.
L’histoire ancienne. Il s’agit du plus ancien monastère encore en fonctionnement sur l’île de Crète. Sa fondation remonte au IVe siècle. Il fut érigé en un lieu occupé par un temple ancien, sans doute dédié à la déesse Athina. Le P. Faure situe dans cette zone l’antique cité d’Apollonia, dont le nom du monastère représenterait une déformation.
La première période byzantine. En 668, Vitalien, Pape de Rome, envoie à Paul, Archevêque de Crète, deux missives relatives au règlement de certaines questions d’ordre administratif dans l’Église crétoise. Il y est déclaré, entre autres, que les monastères ‘Palaia’ et ‘Arsilli’ doivent retourner sous la juridiction de l’Évêque de Lappa. Cette missive documente donc l’existence du Monastère de Paliani dès le VIIe siècle. Et il était donc déjà considéré comme ancien (palea) à cette époque. Il a vraisemblablement conservé cette appellation d’où découle le nom actuel : ‘Paliani’. Par ailleurs, les chapiteaux byzantins et autres vestiges architecturaux appuient la thèse selon laquelle l’actuelle église était au départ une basilique paléochrétienne à trois nefs dont les vestiges sont intégrés dans l’édifice contemporain.
Arabocratie. Seconde période. On ne sait rien de l’histoire du monastère durant la période arabe (824-961) ; on suppose qu’il continua à fonctionner. Après la reconquête de la Crète par les Byzantins, il semble que le monastère connu un nouvel essor. Entre 961 et 1024, on a des raisons de supposer qu’il devint un des monastères les plus riches appartenant au Patriarcat Œcuménique de Constantinople ; il dépendait directement du sommet de l’Empereur et disposait de ce fait d’une fortune immense et de vastes propriétés, surtout dans le centre de la Crète.
Vénétocratie. En 1211, la Crète devint possession Vénitienne. Le Monastère de Paliani demeura sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople jusqu’en 1304. Toutefois, en raison de ses nombreuses propriétés, il attira l’attention du clergé latin de Crète. Un document daté de 1248 détaille l’ensemble des propriétés foncières détenues par le monastère en ‘tempore Graecorum’. Par décision du Pape Clément IV, le monastère fut placé sous la juridiction de l’archevêque latin de Crète, en dépit de la résistance offerte par le Patriarche. Commença alors un long conflit auquel il fut mis un terme en faisant passer le monastère sous la juridiction du Doge de Venise, en 1323. Pendant les derniers siècles de la domination vénitienne, le monastère comptait vingt à trente moniales, et, fonctionnant normalement, il parvint à préserver ses importantes richesses. Et on sait que déjà à cette époque il s’agissait d’un monastère de moniales. C’est de cette période que daterait la superbe icône de la Mère de Dieu de Paliani, intégrée dans l’iconostase de l’église du monastère. L’icône est considérée comme étant vraisemblablement la plus ancienne icône de la Mère de Dieu en Crète.
La Turcocratie. L’invasion turque en Crète (1645-1669) sonna la fin d’une longue période, et aussi celle de la domination des catholiques sur les monastères. Les riches propriétés furent usurpées par les envahisseurs et distribuées aux hauts fonctionnaires turcs. Un document patriarcal, daté de 1781, indique que le monastère dépend alors de l’évêque de Cnossos. Jusqu’en 1821, le monastère était célèbre pour son artisanat. Les données en notre possession permettent de supposer qu’il ne possédait plus de propriétés foncières, et que les moniales pratiquaient l’artisanat. Le 24 juin 1821, la «grande bagarre» (N.d.T. : αρμπεντές, du turc ‘arbedes’. Épisode de résistance violente, écho crétois du soulèvement de 1821 en Grèce) s’étendit à partir d’Héraklion vers la Province de Melevizi. Les Turcs envahirent le monastère, massacrèrent 70 moniales et détruisirent les vases sacrés, le polyeleos, les icônes et les veilleuses avant d’incendier les lieux. Trois moniales seulement en sortirent vivantes. L’une d’entre elles, Parthenia Neonaki du village de Miamou Kainouriou, entreprit de faire reconstruire l’église, de 1826 à 1840. Lors du séisme de 1856, le monastère subit des dommages et les réparations engendrèrent des modifications à la forme originale de l’église. En 1866, le
Capitaine Mihalis Korokas trouva refuge à Paliani, après avoir tué le terrible Turc Aliko et il obtint les armes nécessaires pour lancer son mouvement révolutionnaire. Cette année-là, pendant la Révolution Crétoise, malheureusement, le monastère fut de nouveau détruit par les occupants turcs. Malgré les difficultés, les moniales réussirent à reconstruire l’église, qui fut inaugurée le 15 août 1872 par le Métropolite de Crète. Tous les Chrétiens de Crète participèrent à l’effort de reconstruction de l’église ainsi qu’à la résolution des problèmes financiers du monastère. Des collectes de fonds furent organisées, jusqu’au sein de la florissante communauté grecque en Égypte. Dans les dernières années du XIXe siècle, le monastère parvint à mieux s’organiser ainsi qu’à acquérir vignes et oliveraies. Mais les épisodes révolutionnaires se succédaient et tout cela occasionna grands dégâts et tourments au monastère. Comme il se trouve à côté de la route de Messara, il fut une cible facile pour les pillards ottomans et l’armée turque régulière.
L’époque contemporaine. Au début du XXe siècle, les problèmes économiques continuèrent, mais le nombre des moniales se mit à augmenter,
pour atteindre 65 en 1930 et 85 en 1942. Le monastère compte actuellement 25 moniales, dont la majorité est très âgée. Au cours des dernières années, dès projets visant à faciliter le confort de vie ont été entamés, mais ils ont malheureusement altéré la physionomie originale du monastère. Paliani est l’un des monastères les plus fréquentés en Crète. Depuis dix an, un musée tout à fait remarquable est ouvert et expose des icônes, des reliques ainsi que des livres de grande valeur historique et archéologique. Divers travaux d’entretien et de restauration du monastère sont en cours actuellement.
Le Myrte sacré.
Le ‘Myrte Sacré de Paliani’ joue un rôle majeur dans la tradition et la dévotion au Monastère de Paliani. Un énorme arbre dont l’âge est estimé à 1600 ans se dresse dans la cour, au Sud-est de l’église, à côté d’une source qui existe depuis toujours et que les moniales nomment ‘kavousi’ (N.d.T. ‘source’ en dialecte crétois). Une icône de la Panagia se trouve à l’intérieur de cette iconostase très particulière que constitue le tronc de ce myrte, qui en devient porteur de la grâce de la Mère de Dieu et est constamment illuminé par une veilleuse.
Conformément au souhait des moniales, la cérémonie de la fête du ‘Myrte Sacré’ a lieu séparément de celle de l’église du monastère. C’est donc le 24 septembre qu’est célébrée la ‘Panagia Myrtidiotissa’. Il s’agit en Crète de l’unique lieu où l’on vénère la Panagia Myrtidiotissa. Ailleurs en Grèce, à Cythère par exemple, on l’y célèbre à cette même date, séparée de la fête de la Dormition par quarante jours. De façon très typique, pour la bénédiction de l’Artos, qui se déroule au pied de l’arbre, c’est un des antiques chapiteaux provenant de la basilique paléochrétienne qui fait office de table. Les branches inférieures de l’arbre sont dépouillées de leurs feuilles de façon systématique par les pèlerins de Paliani qui les gardent sur eux en guise de bénédiction ou les accrochent à leur iconostase domestique.
Le myrte sacré de Paliani est le centre d’un culte particulier pendant la période autour de la Dormition de la Mère de Dieu. A cette période, chaque soir, les moniales viennent y prier. Il s’agit là d’un rituel à la signification particulière dans la tradition orthodoxe. Chaque moniale estime, à titre individuel, que cette prière à la Panagia du ‘Myrte Sacré’ fait partie de ses obligations. On observe également, suspendus aux branches du myrte, de très nombreux ex-voto, et même, déposées contre le tronc, béquilles, cannes et prothèses devenues inutiles après la guérison obtenue. « Innombrables sont les miracles de notre Panagia de Paliani, Elle à qui Dieu fait faveur de Sa Grâce », sous cet arbre, des possédés furent délivrés, des aveugles ont retrouvé la vue, des hommes et femmes ont retrouvé l’usage de membres paralysés, et nombreux sont ceux et celles que torturaient de graves maladies qui ont trouvé la guérison à cet endroit. C’est ce dont témoigne la Gerondissa de la communauté, Theopisti, arrivée au monastère de Paliani en 1942 et âgée aujourd’hui de près de 90 ans. Elle ajoute encore «Le Saint Myrte est une bénédiction spéciale pour notre monastère historique. Nous avons cette pieuse tradition consistant à enlever de petites branches sèches du myrte sacré et à y sculpter de petites croix que nous distribuons aux pèlerins en guise de bénédiction ». Et elle termine : «La Très Sainte Mère de Dieu accorde aux femmes stériles la grâce de la fertilité. Les femmes prennent la mèche de Sa veilleuse, et quand, après, la mèche apparaît quelque part sur leur corps, cela veut dire qu’elle auront un enfant». [N.d.T. Gerondissa Theopisti est décédée le 03 février 2017. Puissions nous continuer à bénéficier de ses prières et intercessions. Gerondissa Theotimi est maintenant la nouvelle higoumène.]
Texte traduit du grec à partir des sources suivantes et adapté après plusieurs visites au monastère. Sources 1,2,3.
Crédit pour la majorité des photos.