Le site Romanity.org propose une série de textes du Père Jean Romanidès. Certains en Anglais, d’autres en grec. La traduction ci-dessous est celle du début d’un très long texte en anglais dont le titre complet est : «Thérapie de la maladie neurobiologique de la Religion.La Civilisation hellénique de l’Empire Romain, Le Mensonge de Charlemagne en 794 et son Mensonge aujourd’hui.» Ce texte est présenté sur le site précité comme celui d’une conférence donnée à deux reprises aux États-Unis en 1997, et dont la base fut un long article écrit en grec et publié dans un ouvrage édité par le Saint Monastère de Koutloumousiou en 1996. La longueur de ce texte obligé d’en proposer la traduction en extraits successifs. En voici le sixième.
Dans la mesure où tous les fantasmes produits par le court-circuit précité sont à l’origine de tous les phénomènes sociologiques et historiques, y compris tout ce qui relève de la religion et de la criminalité, il est inopportun de tracer une ligne séparant société et religion, comportement anormal ou soi-disant normal dans la société humaine. Tous les être humains et toutes les sociétés souffrent de ce même court-circuit. De nombreux chrétiens orthodoxes et juifs ne se sont pas activement engagés dans leur thérapie traditionnelle traitant la maladie de la religion, alors que c’est censé être le fondement de leurs croyances et de leurs pratiques. C’est pourquoi ils sont dans certains cas capables de dépasser autrui en matière de cruauté et de barbarie. En tous cas, l’idée selon laquelle la religion serait bonne ‘en soi’ et nécessaire à la société est un pur non-sens. Il existe dans l’histoire des cas où existent des gens croyant qu’ils jouiront de privilèges spéciaux dans les Cieux, et qu’ils auront de nombreuses femmes ‘à leur disposition’, pour les récompenser d’avoir tué ou réduit en esclavage d’autres êtres humains.
Il existe au moins deux types de sociétés qui se fondaient historiquement et de manière importante sur la thérapie guérissant la maladie de la religion. Il y a les prophètes de l’Ancien Testament, officiellement acceptés en tant que tels par l’État Juif, ainsi que les apôtres et prophètes des Ancien et Nouveau Testaments de même que les prophètes que l’on nomme Pères de l’Église, officiellement reconnus en tant que tels par l’État Romain. Ce qui les sépare est l’incarnation du Seigneur (Yahvé) de Gloire. Tous acceptaient les prophètes de l’Ancien Testament, et certains Juifs et Romains, et d’autres encore, acceptaient les Christ et Ses apôtres dans ce contexte de ce traitement de la maladie de la religion.
Par contre, les chrétiens qui adhéraient aux hérésies condamnées par les Conciles Œcuméniques romains retransformaient chaque fois la foi de la Bible en formes païennes de Christianisme basées sur la maladie de la religion et non sur le traitement de celle-ci. La forme païenne la plus importante du christianisme est sans doute celle d’Augustin. Ses enseignements erronés selon lesquels l’humanité entière serait responsable des péchés d’Adam et Eve et sa doctrine de la prédestination basée sur ses enseignements à propos du péché originel et son mysticisme platoniste psychopathe ne furent pas détectés en Orient avant le XVe siècle. Mais en Gaule romaine, le Concile d’Orange condamna en 529 ses enseignements concernant le péché ‘hérité’ et la prédestination. Et finalement, en 1341, le neuvième concile Œcuménique de Constantinople condamna, sans s’en rendre compte, certaines hérésies d’Augustin. Ses autres hérésies ne furent ni connues ni comprises en Orient. En fait, le neuvième Concile précité condamna à Constantinople les hérésies de Barlaam le calabrais concernant la révélation, la purification et l’illumination du cœur et la glorification, sans réaliser qu’il s’agissait là d’enseignements hérétiques d’Augustin. Les Pères de ce Concile proclamèrent que c’était le diable qui avait inspiré cette nouvelle hérésie à Barlaam.
Ce qui est intéressant, c’est qu’à chaque apparition d’une hérésie spécifique, il ne s’agissait que d’un nouveau produit de la maladie de la religion. La même chose est sans doute vraie dans le Judaïsme. C’est pour cela que les Pères de l’Église vinrent chaque fois facilement à bout de ces hérésies. Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est que de nombreux Orthodoxes ont hérité du Christianisme issu des neuf Conciles Œcuméniques et sont néanmoins aujourd’hui plongés dans la confusion. Cette confusion apparut tout particulièrement lors des réformes entreprises par Pierre Ier et basées sur l’occidentalisation délibérée de l’Église de Russie, ce qui correspondait en réalité à l’augustinisation’ de celle-ci.
Ces réformes russes devinrent la clé grâce à laquelle l’empereur de Russie Alexandre Ier et l’empereur de l’Empire Franc Napoléon Ier, rejoints peu après par l’Empire britannique, mirent en œuvre leurs politiques visant à briser l’unité des Chrétiens Orthodoxes Romains au sein de l’empire Ottoman. Ils attaquèrent la langue commune des Orthodoxes romains, qui avait été le grec depuis l’époque des Anciens Romains, en affirmant que tous ceux qui parlaient le grec n’étaient pas Romains, mais ‘Grecs’. C’est le mensonge de 794 de Charlemagne, adopté par la royauté franco-latine et cette noblesse qui oriente non seulement les politiques européennes mais aussi celles des Etats-Uniens enchaînés par l’historiographie britannique. En même temps, ces trois puissances se servirent d’anciens dialectes qui avaient survécu depuis des temps anciens pour établir des enclaves linguistiques hellénique, serbe, bulgare et roumaine, auxquelles ils en adjoignirent une albanaise, et même une autre, figurez-vous, macédonienne slave. Ce processus nommé balkanisation débuta en 1821 et continue à être appliqué à ce jour. Et c’est exactement le même principe qui est infligé au monde arabe.
L’occidentalisation de l’Orthodoxie fut imposée à tous les États Orthodoxes issus de la dissolution de l’Empire Ottoman. Ce processus débuta en 1827 par la création d’un État de Grèce, suivie par celle de la Bulgarie en 1878-1879, la Roumanie en 1879-1880, et se solda en 1923 par la dissolution de l’Empire Ottoman lui-même. Chaque fois que fut institué un nouvel État, une Église d’État était établie. On organisa également une institution d’enseignement théologique dans chaque nouvel État, afin de s’assurer que l’œuvre de Pierre Ier y prenait racine et s’y répandait. Avant cette époque, les monastères avaient été des lieux destinés à produire des meneurs spécialisés dans la thérapie de la maladie de la religion. Mais ces soi-disant facultés de théologie devinrent la base au sein de laquelle les dirigeants des Eglises Orthodoxes locales et les théologiens étaient transformés en victimes de la maladie de la religion, qui s’employèrent à transformer l’Eglise Orthodoxe en religion.
On remarquera avec intérêt que les Turcs désignaient la partie européenne de l’empire Ottoman avec le terme ‘Roumeli’, c’est-à-dire, Pays des Romains. La raison en est que non seulement les Ottomans conquirent ce qui restait de l’Empire Romain, avec sa capitale, mais en outre, les Chrétiens Orthodoxes dans le monde musulmans, de l’Espagne au Proche Orient, se nommaient eux-mêmes ‘Romains orthodoxes’, et ils sont encore appelés Romains orthodoxes aujourd’hui par les Arabes, les Turcs, les Perses, etc.
Toutefois, au cours du XVIIe siècle, les Russes, les Britanniques et les Français propagèrent activement le mensonge de Charlemagne prétendant que les Romains qui parlaient le grec n’étaient pas des Romains, mais des ‘Grecs’. Et ils finirent par convaincre, en les trompant, les ‘Néo-hellènes’ eux-mêmes, et les ‘Néo-bulgares’, les ‘Néo-serbes’, les ‘Néo-roumains’, les ‘Néo-albanais’ et les ‘Néo-macédoniens’, leur faisant admettre que le Patriarche Œcuménique de Constantinople-Nouvelle Rome n’est pas Romain, mais ‘Grec’, et ceci, en dépit de ce que le Patriarche Œcuménique ne s’est jamais appelé lui-même ‘Grec’, mais uniquement Romain, que ce soit en langue turque ou en langue grecque.
A la lumière de tout ceci, même une lecture superficielle de l’Encyclopedia Britannica’ révèle la haine avec laquelle les Russes, les Français et les Britanniques décrivent les Romaines Phanariotes de Constantinople, ces ‘Grecs détestables et corrompus’, qui aidèrent les Ottomans à régner sur le ‘Roumeli’, c’est-à-dire les Balkans. Mais à ce jour encore, fut-ce en Grec ou en Turc, les Orthodoxes Romains de Turquie se nomment eux-mêmes Romains, et c’est ainsi que les désignent encore les Turcs. L’ampleur du mensonge de Charlemagne, opposant latin et grec, a saturé les écrits historiques depuis 794, et il convient de le considérer pour ce qu’il est, un mensonge éhonté. Nous devons commencer par admettre que les Franco-Latins sont experts en mensonges historiques, si nous voulons distinguer parmi leurs mensonges les moments où ils disent la vérité. Une grande part des écrits historiques des Romains est toujours contrôlée par la noblesse franco-latine, toujours fidèle à leur père Charlemagne et à ses mensonges au sujet de l’Empire Romain. Ceux-ci continuent à donner le ton dans le domaine quasi inexistant des études de l’histoire, de la civilisation, de la théologie byzantines, qui d’ailleurs sont romaines et non byzantines. (A suivre)
Traduit de l’anglais.
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