Le protopresbytre Anastasios Gotsopoulos, prêtre de la Paroisse Saint Nicolas à Patras, a écrit le texte ci-dessous le 10 juin 2016. Il a été publié, sur le site Impankratoros.gr.
Patras, le 10 juin 2016.
Finalement, les Églises orthodoxes ont-elles des primats ou des papes ? Peut-être d’aucuns voudraient-ils, à l’occasion du Saint et Grand Concile, conférer également aux primats des pouvoirs papaux ?
Ces questions émergèrent suite aux réactions de certains «défenseurs» du prochain Saint et Grand Concile, qui s’élevèrent contre les décisions unanimes des synodes des hiérarques des Églises de Serbie, de Bulgarie, de Géorgie et de Grèce au sujet des positions que ces Églises ont adoptées à propos du Concile Pan-orthodoxe. Sans fournir aucune réponse aux plaintes extrêmement sérieuses des Saints Synodes des Églises locales, ils se mirent dans tous leurs États et répètèrent de façon monotone : «Les primats avaient signé les textes et avaient décidé tant de la réunion que de la procédure et du règlement du fonctionnement du Concile. Par conséquent, les synodes locaux n’ont aucunement le droit d’émettre un avis à propos de la décision des primats». Le Saint Synode du Patriarcat Œcuménique lui-même s’est aligné sur cette même logique dans sa déclaration officielle du 06 juin 2016.
Excusez-moi?! Quand donc les primats des Églises Orthodoxes locales sont-ils devenus… des papes ? Depuis quand l’opinion ou la décision personnelle d’un primat lierait et obligerait-elle irrévocablement le synode de la hiérarchie à laquelle il appartient. Est-ce le primat ou est-ce le synode des hiérarques qui constitue la plus haute instance administrative des Églises Orthodoxes locales, conformément à la Tradition Orthodoxe ? Chacune des Églises se prononce-t-elle de façon synodique et s’exprime-t-elle à travers le synode ou est-elle liée par tout avis émis par le primat? (J’éviterai ici l’usage de l’expression ex-cathedra pour éviter que nos esprits ne s’envolent vers un autre horizon!).
C’est évident, les primats ont signé! Mais chaque primat, une fois revenu auprès de son Église locale, a soumis sa décision, et il était obligé de le faire, à son synode. Et chaque synode, souverain et responsable s’est prononcé, soir en accord avec la signature du primat, soit en désaccord, annulant ainsi la décision personnelle! D’aucun souhaiteraient peut-être dicter ce qu’un synode devrait décider? Il est louable que les Primats des Églises de Serbie, de Bulgarie, de Géorgie et de Grèce aient soumis leur décisions au jugement du collège hiérarchique, respectant par là même l’institution synodale. Mais plus encore, ils réunirent leur synode, ils parvinrent à un accord et co-signèrent une décision adoptée à l’unanimité par leur synode, se soumettant de la sorte à la lettre et à l’esprit du 34e Canon des Saints Apôtres : «Mais lui aussi, qu’il ne fasse rien sans l’avis de tous ; car la concorde régnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit». Voilà ce que signifie le respect de l’institution synodale ! Voilà ce que signifie le respect de l’unité de l’Église !
Malheureusement, d’aucuns se sont accoutumés au mode de fonctionnement des synodes de certains patriarcats (au Nord, au Sud et à l’Est… sans mentionner de noms, ni offenser de familles…), et ils ne peuvent digérer le fait qu’il existe des Églises locales dans lesquelles le système synodal soit pleinement mis en œuvre, avec des difficultés, sans aucun doute, mais pleinement en œuvre. Le primat ne donne pas d’ordre, comme dans le système papiste, les autres participants au synodes ayant à obéir que cela leur plaise ou non…
Le danger pour l’Orthodoxie elle-même consiste en ce que certains veulent imposer à toute l’Église ce mode de fonctionnement du «Synode» propre à quelques patriarcats et tentent à travers le Concile pan-orthodoxe d’élever les primats de «primus inter pares», premier d’entre les pairs, à «primus sine paribus», premier sans égaux (Elpidophoros de Prouse), en fait, revêtu d’une autorité papale ! Et ainsi, il sera plus aisé de reconnaître le Premier parmi les Premiers, qui sera à son tour «sine paribus». Ce sujet est fondamental et touche directement à l’essence de l’ecclésiologie orthodoxe.
Il est évident que l’image que l’Église Orthodoxe offre d’elle-même avant le Concile Pan-Orthodoxe n’est guère idéale. Refusant d’admettre l’ampleur de leur responsabilité dans la situation, certains individus chargés de responsabilités tentent de reporter le blâme sur le fonctionnement synodal des Églises locales. Mais le problèmes a surtout été créé par la manière anti-traditionnelle de préparer jusqu’à présent le Saint et Grand Concile, et particulièrement dans les règles de fonctionnement qui au nom du Concile Pan-Orthodoxe, ont fait fi de l’institution synodale des Églises locales.
Pour des sujets aussi importants que l’approbation de documents pré-conciliaires, il n’est pas possible que la décision prise en l’absence des hiérarques, par un représentant, revête un caractère irrévocable et lie les Églises. Il n’est pas possible que les hiérarques des Églises n’aient pas le dernier mot au sujet des règles de fonctionnement du Concile Pan-Orthodoxe. Il y eut, bien-sûr, une autorisation formelle, bureaucratique, mais comme on s’en est rendu compte, elle ne pouvait se substituer à la fonction essentielle du système synodal de chaque Église particulière, ni encore à celui de l’Église Orthodoxe Catholique, mondiale.
Une solution à ce problème émergeant peut exister, à condition de revoir la tactique appliquée jusqu’ici, et de se repentir, au niveau pan-orthodoxe. Puisse, en ces ultimes instants, un respect substantiel du système synodal, et particulièrement des décisions synodales que votèrent à l’unanimité les hiérarchies des Églises Locales, en être le commencement.
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