maxresdefaultLe texte ci-dessous parut sous le titre : La maladie de la religion et sa guérison par l’Orthodoxie. Il fut composé d’extraits du livre du Père J. Romanidès Théologie Patristique, lui même rédigé à partir de cours et conférences universitaires qu’il donna en 1983. L’approche théologique du Père Romanidès a inspiré de nombreux membres et serviteurs de l’Église, dont le Métropolite Hiérotheos de Naupacte, dont les écrits nourrissent les âmes de dizaines de milliers de fidèles de par le monde et particulièrement en Grèce. La première partie du texte se trouve ici.                                                                           

La conception métaphysique de la religion.
L’Orthodoxie s’occupe avant tout de cette vie, ici. Les Pères insistent sur le fait qu’il «n’y a pas de repentir après la mort». Toutefois, les théologiens grecs modernes ont, à la suite de leur maître, Adamantios Koraes, une conception métaphysique du sujet, copiant la méthodologie des catholiques romains et des protestants en matière de religion. Quand ces gens sont partis étudier la théologie en Europe et en Russie, mais aussi en Amérique, après la guerre, le grand conflit avait commencé depuis des années entre les empiristes, d’une part, héritiers des Lumières de la révolution française, et les métaphysiciens d’autre part. La différence fondamentale entre empiristes et métaphysiciens consiste en ce que l’essence de l’approche empirique est l’observation, et celle de la métaphysique, la spéculation philosophique.
A cette époque, tous les gens religieux étaient des adeptes de la métaphysique, et le sont restés jusque tout récemment, alors que tous les empiristes étaient agnostiques, ou pour certains d’entre eux, athées. Pourquoi ? Parce que l’essence de l’approche empirique n’est pas même la philosophie. Bien entendu, c’est présenté comme de la philosophie empiriste, ou philosophie des  empiristes. Ils ont pris le dessus sur les métaphysiciens aux États-Unis, accomplissant une bonne chose pour l’Orthodoxie. Mais ils furent néanmoins dévastateurs envers la théologie grecque moderne. De nos jours, en Grèce, tous les marxistes sont empiristes, sans le savoir, évidemment. Parce que les idéologues marxistes ne connaissent pas l’arbre généalogique du marxisme, au contraire de leurs collègues en Europe et aux États-Unis. Ici, ils ont simplement appris leurs leçons par cœur, mécaniquement, comme les Témoins de Jéhovah. Je trouve que le fait qu’il n’y ait pas de puissants intellectuels marxiste en Grèce est une grande tragédie, non pas Eschylienne, mais bien honteuse. Bien entendu, c’est une bonne chose pour la police et les gens de droite, et pour les théologiens grecs modernes. Mais c’est malheureux pour la recherche de la vérité. Car le marxisme est parti de bases empiriques, et a abouti là où il a abouti.
La base du marxisme et la base de la Théologie Patristique sont semblables, d’un point de vue scientifique. Les marxistes et les théologiens patristiques auraient pu s’entendre.
Toutefois, le marxisme est entré en conflit avec la religion…
Oui, mais avec quelle religion ? Pas avec la Révélation, mais plutôt avec la religion qui s’identifie à la métaphysique.  Et un de ces métaphysiciens qui assimilait le destin de l’Hellénisme à la métaphysique fut Adamantos Koraes. La différence essentielle entre empiristes et métaphysiciens réside en ce que la caractéristique première du métaphysicien est sa propension à identifier la réalité à quelque chose qui lui semble être logiquement certain. Évidemment, quelqu’un peut  éprouver la certitude logique d’une chose à travers le raisonnement logique. Mais dans la mesure où cela n’est pas soumis à la vérification empirique, et à la confirmation empirique, comment peut-il être certain de ce qu’il pense et conclut logiquement ? Parce qu’il s’agit d’une pensée simple ? Mais comment peut-on assimiler sa propre pensée à une certitude ? Le métaphysicien fait ce genre de chose, alors que l’empiriste accepte, classifie, regroupe ce qu’il vient à observer empiriquement.  Dans ce contexte, les Calvinistes éprouvent certaines difficultés, comme les Papistes. En ce qui concerne ces choses, les Luthériens, eux, vivent dans un monde complètement à part.
Mais l’athée, pourquoi ne croit-il pas ? Parce qu’il n’a pas le don du Saint Esprit, le don de la foi intérieure. Et pour ce qui est de ceux qui disent qu’ils croient, sont-ils réellement croyants ? Pas tous. Les Calvinistes, par exemple disent souvent qu’ils croient parce qu’ils y sont prédestinés. Mais de cette façon, ils cheminent sur une voie non-scientifique, une voie que ne soutient aucune réalité empirique. Et ils n’avancent pas non plus de support métaphysique pour ce qu’ils croient. Ils en sont évidemment conscients car ce sont des intellectuels et ils savent comment sont les choses, mais ils continuent à agir de la sorte. C’est pourquoi  on observe que les Calvinistes et les Luthériens se réfugient dans l’existentialisme. La même chose se passe avec les Protestants des États-Unis, qui y ajoutent l’émotionalisme. Les Protestants des États-Unis sont très émotionnels dans leur culte et dans leur comportement.

L’Orthodoxie, Religion officielle de l’État Romain.
Tenant ces éléments à l’esprit, nous voyons pourquoi l’État Byzantin tenta de faire de l’Orthodoxie sa religion officielle et fit tant d’efforts pour garder intacte la doctrine orthodoxe. Pourquoi ? Simplement pour préserver la doctrine pour la doctrine ? Ou parce que la doctrine orthodoxe aurait été une condition préalable particulière à la guérison de ses citoyens, ce traitement engendrant une restauration sociale à travers la guérison de la personnalité de chaque citoyen ?  Cette deuxième option est probablement la bonne. Quel était l’hymne national de l’Empire Byzantin ? N’était-ce pas «Seigneur, Sauve Ton peuple et bénis Ton héritage ; donne la victoire aux empereurs sur les barbares, et sauvegarde par Ta Croix, les nations qui T’appartiennent» ? Cet hymne exprime l’idéologie, si l’on peut appeler cela ainsi, de la mise en œuvre de l’enseignement, la foi et la vie orthodoxes dans un État, c’est-à-dire à l’échelle nationale.
Dans la mesure où l’État prévoyait la contribution sociale et le bénéfice résultant de la méthode et de l’enseignement thérapeutiques orthodoxes, s’ils pouvaient être mis en œuvre, il institua et promut la Foi Orthodoxe comme religion officielle de l’État,  de façon à ce que celui-ci soit rempli de paroisses et de prêtres pratiquant ce traitement thérapeutique. Avec le temps, les paroisses grandiraient en communautés de citoyens sains, et, par extension, il en irait de même de l’État. Bien entendu, l’Église ne refusa pas cela, au contraire, elle joignit ses efforts à ceux de l’État.
Il advint toutefois que ce pouvoir attribué à l’Église, combiné à l’organisation administrative ecclésiastique qui en découlait, créa un mal nécessaire sous la forme d’un problème de service public. En fait, la plupart de ceux qui briguaient des positions en vue dan le secteur public, affirmaient être orthodoxes, alors qu’ils ne l’étaient pas, et l’Église se sécularisa. Parallèlement à cette dimension des choses, il appartenait à l’Église de protéger l’État contre les charlatans, c’est à-dire les hérétiques. Les conciles locaux et œcuméniques veillaient précisément à cela.
Dans les actes des Conciles œcuméniques, on trouve cette expression «Il a semblé bon à l’Esprit Saint et à nous…» Ceux qui étaient présents lors des conciles affirmaient cela car ils possédaient la prière noétique, à travers laquelle ils étaient informés intérieurement de la validité des décrets qu’ils formulaient. Alors que de nos jours, la pratique de la prière noétique étant devenue choses rare parmi les évêques, si un concile d’évêques se réunit et, se levant lors de la séance d’ouverture ils proclament tous ensemble : «Roi céleste, Consolateur, Esprit de Vérité, partout présent, et qui remplit tout…», l’Esprit Saint les éclairerait-il, sans faute ? Et ce simplement parce qu’ils seraient des évêques canoniques, assemblés en concile et adressant cette prière ?
Le Saint Esprit ne fonctionne pas de cette manière, dans de telles conditions. D’autres conditions sont requises. Lorsqu’il participe à un concile, celui qui prie doit déjà avoir la prière noétique à l’œuvre en lui pour que la Grâce de Dieu l’illumine. Ceux qui ont participé à de faux conciles n’étaient pas dans un tel état de prière.
Auparavant, les évêques jouissaient de ces expériences spirituelles, et quand ils formaient assemblée, telle un corps, ils savaient que l’Esprit Saint les informait en leur cœur à propos des différents sujets. Et lorsqu’ils édictaient des résolutions, ils savaient que celles-ci étaient saines. Car ils étaient en l’état d’illumination, et certains d’entre eux avaient même atteint la glorification, c’est-à-dire la déification. Nous voyons ainsi que dans l’Église ancienne, l’élément charismatique prévalait (cela signifie que ses membres étaient dirigés par les dons de l’Esprit Saint), et les éléments institutionnels (c’est-à-dire les qualités ecclésiastiques et administratives) suivaient. C’est très clair dans le Nouveau Testament, dans l’Église Ancienne, chez les grand  Pères du Premier Concile  Œcuménique (au quatrième siècle) jusqu’au Neuvième Concile Œcuménique qui se déroula sous l’égide de Saint Grégoire Palamas (au quatorzième siècle).

Cette forme de témoignage de l’Esprit Saint à l’intérieur du cœur n’est bien connue que de ceux chez qui la prière noétique fonctionne en leur cœur. La prière noétique est la vérification empirique et la garantie que l’esprit de l’homme a été guéri. Une telle guérison est accessible à tous, pour autant que soient réunies les conditions spirituelles préalables du traitement thérapeutique. En d’autres termes, cette méthode n’est pas réservée ou conçue pour certains moines, pour quelques-uns parmi ceux qui portent le rason, mais pour tous. Car nulle part dans les Saintes Écritures, il n’est fait de distinction entre une spiritualité monastique et une spiritualité laïque. Les Écritures Saintes ne parlent que d’une seule spiritualité. Avez-vous jamais trouvé un passage des Saintes Écritures séparant la spiritualité du clergé et celle des laïcs ? Ce genre de chose n’existe pas dans les Saintes Écritures. La spiritualité en Christ est identique pour tous les fidèles. Cette spiritualité est essentiellement un traitement thérapeutique, offert par le Christ à tous les hommes. Elle est conçue pour tous les hommes. Elle n’est pas réservée aux seuls moines ou au clergé, ou à ceux qui ont reçu une formation, ou aux intellectuels ; elle ne contient aucune dimension intellectuelle. Elle ne concerne pas non plus les aspects extérieurs et visibles de l’homme mais bien ses aspects intérieurs et invisibles. (A suivre)

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