Le Métropolite Simeon (Koutsas), de Nea Smyrni, dans la banlieue Sud d’Athènes, a rédigé en 1995 un long texte intitulé «Le Père Spirituel : La Paternité spirituelle dans la Tradition Orthodoxe». Le texte original grec fut Publié par la Sainte Métropole de Kalavryta and Aegialia, et demeure disponible sur le site Myriobiblos. Il fut traduit en anglais en 2009. Voici la traduction de la première partie intitulée dans l’original «La Signification de l’Institution». Chaque homme a un père biologique, auquel il doit son entrée en cette vie. En plus de ce père biologique, le Chrétien a également un père spirituel. C’est à celui-ci qu’il doit sa renaissance spirituelle ; c’est lui qui l’introduit dans la vie en Christ et le guide sur la voie du Salut. Notre naissance biologique nous fait entrer en cette vie, elle nous introduit dans la communauté des êtres humains. Notre naissance en Christ est une naissance d’un ordre différent ; elle nous introduit dans la communauté de l’Église et nous procure le potentiel nécessaire pour vivre cette vie en Christ.
Dans l’Église des temps anciens, quand la quasi majorité des fidèles recevait le baptême à un âge mur, le père spirituel du Chrétien était le berger de l’Église, qui le catéchisait, lui administrait le sacrement du baptême et continuait en le guidant dans la vie en Christ. De nos jours, alors que presque tout le monde est baptisé tout petit enfant, le père spirituel n’est très souvent pas le prêtre qui a baptisé, mais plutôt celui qui, à un certain moment, aide l’homme à croire en toute conscience et le guide vers un mode de vie chrétien cohérent.
L’exemple de l’apôtre Paul nous aide à percevoir le mystère de la paternité spirituelle dans toute sa splendeur. Paul est le père spirituel des Chrétiens de Corinthe, et de bien d’autres cités de son époque. S’adressant aux Chrétiens de Corinthe, il écrit : «Ce n’est pas pour vous faire honte que j’écris ces choses; mais je vous avertis comme mes enfants bien-aimés. Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile» (1 Cor.4:14).
Ainsi, pour les Chrétiens de Corinthe, Paul n’était pas simplement leur instructeur et leur enseignant en Christ ; il était leur père. Il fut celui qui leur donna de renaître spirituellement. Il fut celui qui les fit entrer dans la famille des Rachetés. Son cœur apostolique était enflammé par son amour pour ses enfants spirituels. Cet amour paternel en Christ fut le moteur de sa démarche apostolique. Il aspirait non seulement à transfuser en eux l’Évangile, mais aussi son âme (1 Thess, 2:8). Il lutta et peina afin de former le Christ en eux (Gal. 4:19). Jamais il ne cessa de les conseiller, «chacun de façon individuelle» et «avec larmes», dans son désir de les édifier spirituellement et de les stabiliser dans un mode de vie en Christ (Actes 20:31, Ephes.4:12-16)
Cette perception paulinienne du contenu et de la signification de la paternité spirituelle imprègne la Tradition spirituelle orthodoxe toute entière. Saint Siméon le Nouveau Théologien, l’un des porteurs les plus authentiques de cette Tradition, et auquel nous ferons souvent référence, écrivit à l’un de ses enfants spirituels : «Nous t’avons conçu à travers nos enseignements, nous avons traversé les souffrances de l’enfantement à travers la repentance, nous t’avons mis au monde avec beaucoup de patience, de douleur et de larmes quotidiennes» (Lettre 3,1-3). Comme nous pouvons le voir, la naissance spirituelle est comparée à la naissance naturelle, et comme celle-ci, elle se déroule en trois étapes : la conception, la gestation et le travail de l’enfantement.
Deux images fréquentes dans les écrits des Pères sont susceptibles de nous faire mieux comprendre le rôle de notre père spirituel. La première est celle de l’escalade d’une montagne escarpée et inhospitalière. Celui qui tente une telle ascension pour la première fois doit nécessairement suivre un chemin bien délimité ; il doit avoir un guide et compagnon de route habitué à cette montagne et connaissant le sentier de montée. Il s’agit précisément du rôle du père spirituel, compagnon d’escalade et guide sur notre chemin spirituel, notre mode de vie en Christ.
La deuxième image est tirée du domaine de l’éducation physique, de l’athlétisme. Tous ceux qui s’entraînent dans une quelconque discipline athlétique ont besoin d’un guide expérimenté, leur entraîneur, qui les initiera aux secrets de ce sport et les guidera méticuleusement pendant leur période d’entraînement. La mission du père spirituel est semblable : ayant lui-même acquis l’expérience de la vie en Christ, il entreprend alors d’initier ses enfants spirituels. (A suivre)