Alors que Saint Païssios menait son ascèse dans la kalyva de la Précieuse-Croix, le 2 décembre 1972, il rédigea une longue missive à l’attention de la Gérondissa Philotée du Monastère Saint Jean le Théologien, qu’il avait fondé à Souroti, là où reposent aujourd’hui ses saintes reliques, auprès de celles de Saint Arsène de Cappadoce. Dans cette lettre, tel un joyau dans son écrin, se trouvent enchâssées vingt béatitudes. En voici la seconde partie. La première se trouve ici.
11. Bienheureux les parents qui n’utilisent jamais l’expression « ne fais pas » à l’adresse de leurs enfants, mais qui les retiennent de faire le mal par une vie sainte qu’imitent les enfants, suivant ainsi tout joyeux et avec courage spirituel le Christ.
12. Bienheureux les enfants qui sont nés saints dès «les entrailles maternelles» Mt 19, 12 et Lc 1, 15, mais plus encore ceux qui sont nés avec toutes les passions du monde en héritage, ont lutté contre elles dans la sueur, les ont déracinées, et ont hérité du Royaume de Dieu «à la sueur de leur front» Gn 3, 19.
13. Bienheureux les enfants qui ont vécu dès leur jeune âge dans un milieu de sainteté et ont progressé sans peine dans la vie spirituelle.
Trois fois bienheureux, cependant, ces enfants lésés qui n’ont pas été du tout aidés (au contraire, on les a poussés au mal), mais dont les yeux ont brillé dès qu’ils ont entendu parler du Christ : s’étant retournés de 180 degrés, ils ont d’un seul coup purifié leur âme et sont sortis du champs de l’attraction terrestre pour se mouvoir sur une orbite spirituelle.
14. Heureux les cosmonautes, dit le monde, qui gravitent dans l’espace, en orbite autour de la lune ou même qui marchent sur la lune.
Mais bienheureux les Paradisnautes (le Père Païssios invente le mot « paradisnaute » pour l’opposer à cosmonaute : les hommes spirituels gravitent autour du Paradis comme les cosmonautes gravitent dans le cosmos) du Christ, qui s’élèvent jusqu’à Dieu et gravitent régulièrement autour du Paradis, leur demeure permanente, avec le plus rapide des vaisseaux spatiaux et sans dépenser beaucoup de carburant : rien qu’un morceau de pain grillé !
15. Bienheureux ceux qui rendent gloire à Dieu pour la lune qui les illumine dans la nuit.
Plus heureux encore ceux qui ont compris que ni la lumière de la lune n’est la sienne propre, ni leur lumière spirituelle n’est leur lumière propre, mais qu’elles sont de Dieu. Car le miroir, le simple verre, ou le couvercle d’une boîte de conserve, ne peuvent réfléchir la lumière que si les rayons du soleil tombent sur eux.
16. Heureux, dit le monde, ceux qui vivent dans des palais luxueux et jouissent de toutes les commodités.
Mais bienheureux ceux qui sont parvenus à simplifier leur vie, se sont libérés du nœud coulant de cette évolution mondaine apportant de nombreuses commodités – autrement dit incommodités- et délivrés de l’angoisse terrible propre à notre époque contemporaine.
17. Heureux, dit le monde, ceux qui peuvent jouir des biens terrestres.
Mais bienheureux ceux qui donnent tout au Christ, se privent de toute consolation humaine pour le Christ, et parviennent ainsi à être jour et nuit près du Christ, au sein de Sa divine consolation parfois si intense qu’ils disent à Dieu : « Mon Dieu, Ton Amour ne peut se supporter, car il est immense et mon petit cœur ne peut le contenir ».
18. Heureux, dit le monde, ceux qui occupent les plus grands postes et possèdent les plus grandes maisons, car ils ont tout ce qu’il faut pour vivre dans l’aisance.
Mais bienheureux ceux qui n’ont qu’un nid pour se blottir, que la nourriture et le vêtement – comme l’écrit le divin Paul (1Tm 6, 8) -, et sont ainsi parvenus à se rendre étrangers au monde des vanités : en tant qu’enfants de Dieu, ils utilisent la terre comme un marchepied, leur esprit se trouvant sans cesse près de Dieu, leur Bon Père.
19. Heureux ceux qui deviennent, par l’alcool, généraux et ministres – ne fût-ce que quelques heures – ces postes dont les mondains se réjouissent.
Mais bienheureux ceux qui se sont dépouillés de leur vieil homme, se sont libérés de la matière, et sont parvenus à devenir des Anges terrestres par l’Esprit Saint : ayant trouvé le divin robinet du Paradis, ils boivent et s’enivrent sans cesse du vin paradisiaque. (Le Père Païssios, reprenant le thème bien connu de l’ivresse spirituelle, fait un jeu de mots entre l’alcool (inopnevma) et le Saint-Esprit (Agio Pnevma))
20. Bienheureux ceux qui sont nés fous et seront jugés comme fous, car ils entreront ainsi au Paradis sans passeport.
Mais bienheureux et trois fois bienheureux les sages qui font les fous pour l’amour du Christ et se moquent de la vanité du monde : leur folie pour le Christ vaut plus que toute la connaissance et la sagesse des sages du monde entier.
N.B. Le texte des Béatitudes de Saint Païssios se trouve aux pages 236 à 241 du livre du «Père Païssios» intitulé LETTRES, et édité en 2005 par le Monastère Saint Jean le Théologien à Souroti. Il est possible d’acquérir ce livre, de même que les autres œuvres de Saint Païssios, directement au monastère à Souroti, pour ceux qui ont la joie de s’y rendre, ou encore en passant commande, par exemple sur les sites web du Monastère de la Transfiguration, ou du Monastère de Solan