Entretien avec Athanase Zoitakis, éditeur responsable de la maison d’édition Agion Oros et du site Agionoros.ru.
Le 23 décembre, on a appris que la loi de «libre cohabitation» des homosexuels avait été adoptée à la majorité lors de la séance plénière du Parlement Grec. La Cour Européenne des Droits de l’Homme les a obligés à mettre la législation grecque en conformité avec la loi européenne.
Athanase, expliquez-nous comment la légalisation des mariages homosexuels est devenue possible dans un pays tel que la Grèce, où il n’y a pas de séparation entre l’État et l’Église?
Il fallait naturellement s’y attendre, bien que jusqu’au dernier jour nous espérions que cela ne se produise pas. Depuis de nombreuses années, les politiciens désireux d’accéder au pouvoir promettaient certaines choses et dès qu’ils s’y trouvaient, réalisaient juste le contraire. Parmi ceux qui ont voté en faveur de cette loi au Parlement, seul le petit parti libéral, To Potami, avait officiellement dans son programme « la protection des droits des minorités sexuelles ». Ils ont récolté seulement 4% des votes et sont de justesse parvenus à entrer au parlement. Pendant très longtemps, Syriza n’a pris aucune position sur cette question ; seuls certains membres se sont prononcés à titre individuel en faveur du droit des minorités sexuelles. Les autres partis n’ont rien promis de la sorte à leurs électeurs. Dès lors, on ne peut dire qu’on ait entendu en l’affaire la voix de la majorité du peuple grec.
C’est comme lors du référendum sur les crédits de l’UE, tenu en juillet 2015. Le peuple a dit « non », et les politiciens ont dit « oui ». Ils ont laissé passer une semaine et se sont mis ouvertement à l’œuvre contre le peuple. (…)
Deux tiers des parlementaires ont soutenu la nouvelle loi, alors que deux tiers du peuple s’y opposent. Voilà la proportion. Mais au-delà de la légalisation de ces « mariages », on assiste en Grèce à une attaque intentionnelle contre les familles nombreuses. De nombreux avantages avaient déjà été supprimés à celles-ci, et le soir du 22 décembre (c’est-à-dire juste après le vote) paraissait une information dans les médias, selon laquelle les créditeurs exigeaient la suppression de 300 différents types d’avantages dont peuvent bénéficier les familles nombreuses et les handicapés. La mesure devait être mise en œuvre pour le 31 décembre, mais le gouvernement n’en avait pas le temps et un délai lui fut accordé, jusqu’au 15 janvier 2016. On assiste de toute évidence à une action combinée : attaque contre les familles nombreuses et légalisation des mariages homosexuels.
Certains membres du parti Nea Demokratia (parti conservateur de tendance libérale) et le Parti des Grecs Indépendants ont voté en faveur de la loi en expliquant qu’elle ne contenait aucune clause relative à l’adoption. Ce fut leur seul argument. Ils dirent : « Il n’y a pas d’adoption, donc nous votons ‘oui’ afin de remplir les exigences de l’Europe. Mais nous ne soutiendrons jamais l’adoption d’enfants par des minorités sexuelles, d’autant qu’une autre loi impose des sanctions pour la corruption de mineurs… et c’est une bonne loi ». Si la nouvelle loi avait inclus une clause d’adoption, cela aurait été beaucoup plus difficile de la faire adopter maintenant. En Grèce, vous ne pouvez agir rapidement ; il faut agir pas à pas. Le fondement légal est prêt, mais la loi n’est pas encore en vigueur.
Lors des auditions préparatoires à la « Loi relative aux mariages homosexuels », plusieurs hiérarques ont eu des paroles très tranchantes. (…) Le député Yannis Lagos, du Parti Aube Nouvelle a dit très justement, au Parlement, : « Si je répétais ce que le Métropolite Ambroise a dit, vous porteriez immédiatement plainte contre moi et vous m’emprisonneriez. Mais vous ne mettrez pas le métropolite en prison, car vous auriez peur, sachant que le peuple ne comprendrait pas de telles poursuites contre un hiérarque de 77 ans ». Et ce qu’il dit est correct. Ceux qui n’ont aucun statut officiel et ne bénéficient d’aucune protection particulière ont déjà commencé à faire l’objet de poursuite dans le cadre de la nouvelle Loi contre le Racisme.
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La prochaine étape concernera les métropolites. Mais le processus sera lent. Ils essaient de ne pas aller trop vite et agissent pas à pas. Ils ne sont pas pressés. Ce n’est pas nécessaire. Petit à petit ils détruisent l’institution de la famille. Il en va de même avec l’abolition du statut spécial de l’Église en Grèce.
D’abord, ils ont aboli la prière matinale dans les écoles de Grèce. Maintenant, ils veulent interdire les icônes dans les hôpitaux et les tribunaux. Et ils vont abolir le cours de religion, transformant cette matière orientée vers l’Orthodoxie en quelque chose du genre de «l’histoire des religions du monde». Il s’agit d’un vaste programme cohérent, et qui fonctionne.
Ces gens utilisent en permanence un même scénario. Regardez comment ils imposent des sanctions à la Russie. Pas toutes en une fois, mais pas à pas. En combinant différents moyens ils veulent progressivement resserer le nœud coulant. Et ils sont en train de détruire progressivement la Grèce en recourant à ce scénario. Nos nations sont similaires. Il est malaisé de nous vaincre au cours une lutte ouverte. Il est plus efficace de nous agresser par les bassesses, la trahison et la déstabilisation de la situation à partir de l’intérieur. (…)
Quelle est la signification spirituelle de l’adoption d’une pareille loi dans un pays qui compte le Saint Mont Athos sur son territoire ?
L’opinion du peuple n’est pas prise en considération ; c’est une caractéristique de notre époque. On ne voit pas clairement comment résister à cela. La majorité des Monténégrins (…) est contre la participation à l’OTAN, mais malgré cela, le Monténégro va devenir membre de l’OTAN. C’est la même chose dans bien des pays. La majorité des gens s’oppose à la légalisation des mariages homosexuels, mais ils sont légalisés. (…)
C’est un jour noir. Un stade important vient d’être dépassé. Une aggravation de la situation va suivre. Ceux qui s’opposent à l’homosexualité vont être persécutés. La base légale a été préparée au préalable. Si la Loi contre le Racisme est intégralement mise en œuvre, tous les évêques qui se sont prononcés contre les mariages homosexuels peuvent d’un moment à l’autre se retrouver sous les verrous.
Le parti au pouvoir détruit de façon cohérente toutes les institutions traditionnelles de la Grèce. «Vous les reconnaîtrez à leurs fruits» ; bien qu’on entende de belles envolées à propos du rôle énorme de l’Église, qui a formé l’identité de la nation grecque, leurs actes sont par nature dirigés contre l’Église.
La même chose se passe dans le domaine économique ; ils nous persuadent en affirmant que les réformes sont là pour le bien du pays, mais en réalité la dette a augmenté de manière dramatique. Le rapport annuel du FMI indique que pour l’instant il n’existe pas le moindre rayon d’espoir pour la Grèce : la dette va continuer à augmenter car les emprunts sont contractés à des taux d’intérêts très élevés.
Saint Païssios l’Athonite a prédit toutes ces choses. Il a dit : «Ne craignez rien. Dieu ne permettra pas que le mal soit fait. De nombreux événements se produiront, inexplicables du point de vue formellement logique. Les gens n’éprouveront que dégoût pour leurs politiciens. Mais comme le ballon gonflé doucement finit par éclater, ceux-ci finiront aussi par éclater !» C’est ce qui se produit maintenant, le ballon est en train d’éclater.
Il est difficile de conclure sur une note positive…
Une bataille vient d’être perdue, pas la guerre.
Souvenons-nous des paroles du Sauveur : «Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde.»
Il est possible de conclure sur une note positive car parmi la hiérarchie de l’Église, les politiciens et les gens ordinaires se trouvent de nombreuses personnes prêtes à se battre pour la foi orthodoxe, pour leur identité. Ils sont prêts à persévérer jusqu’au bout, même jusqu’au martyr. (…)
Prenez par exemple la France, ou l’institution de la famille a toujours été forte et respectée… Qui aurait pu imaginer, voici vingt ans, que puisse apparaître là une chose telle que parent numéro un et parent numéro deux ? Prenez les États-Unis. Je suis sûr qu’au Texas vivent de nombreux conservateurs, mais que leurs enfants seront certainement corrompus car les autorités en ont décidé ainsi. Et à l’école, ils n’apprendront plus la loi de Dieu, mais bien qu’ils peuvent choisir leur genre…
Ce processus est à l’œuvre dans le monde entier. Son expansion atteint même la Russie. Les libéraux y clament qu’« ils – la communauté LGBT- sont des humains comme les autres avec les mêmes droits. Restreindre leur liberté équivaut à retourner au Moyen-âge». Et les médias empestent les gens normaux avec ces choses.
Tout à fait. Ils forcent le passage. Mais ils n’arriveront pas à leurs fins tant que les dirigeants qui leur résistent restent en place. Dès que les autorités, je veux dire le Président, auront été remplacées, ce sera la fin. La situation sera pareille aux autres pays et la perversion légalisée comme partout, comme en Grèce, en Ukraine. La Grèce est-elle le premier pays orthodoxe à légaliser ces «mariages» ?
Non, ce fut en Bulgarie que le processus de légalisation partielle de l’homosexualité commença, en 1996. A Chypre, cela commença en 2008.
Ces processus ont également été mis en route en Serbie, en Géorgie, en Moldavie, en Roumanie… On peut dire que la Russie est la dernière puissance mondiale dont les politiciens et le Président se prononcent ouvertement contre la reconnaissance légale des « mariage» de personnes du même sexe.
Il en va ainsi aujourd’hui. Mais on peut espérer que tôt ou tard une nouvelle résistance verra le jour. Après tout, les gens normaux s’opposent à ces choses. La population de Slovénie, par exemple, s’est prononcée à une écrasante majorité contre les «mariages» homosexuels lors d’un référendum tenu récemment…
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